Le beau temps estival continue de s’épandre dans les Alpes. Pour fuir la chaleur associée, c’est naturellement vers les sommets qu’il faut se diriger. La lumière n’étant pas intéressante ces derniers jours et la nuit sans Lune annoncée, l’approche sera axée autour des paysages nocturnes. Plusieurs conditions sont requises : zone sans pollution lumineuse, présence d’un point d’eau pour les reflets cosmiques et un peu d’inédit en termes de secteur. Le repérage me conduit du côté de la Tarentaise et le massif de la Vanoise, à quelques centaines de mètres de la limite du parc national, pour pouvoir bivouaquer en tout légalité (quelle tristesse de devoir accoler ces deux termes…). L’objectif est la zone des lacs de Plan Richard, depuis Rosuel (Peisey-Nancroix), terminus de la Route Départementale 87. Au programme : près de 950 mètres de dénivelé pour environ 8 km d’approche. Vacances estivales et beau temps obligent, l’imposant parking est déjà bien rempli en début d’après-midi, mais peu de craintes à avoir, les touristes n’iront pas dans l’espace convoité.
La première partie consiste à contourner l’épaule formée par la base de l’Aliet de l’Aiguille Motte, en rive gauche du Ponturin, partagée entre boisements et zones ouvertes. De part et d’autre, les imposantes murailles rocheuses, tutoyant le ciel, veillent aux pèlerins des sentiers, notamment le Mont Pourri, à l’allure hostile sous cet angle. Le regard se perd dans les nombreuses cascades sillonnant les alpages, où paissent çà et là quantité de vaches.
Vers 2000 mètres, derrière une moraine, le parcours s’adoucit nettement, se transformant en faux plat. Pendant trois kilomètres, il arpente le fond du vallon, dévoilant de nouvelles cimes de la Vanoise, et au bout duquel est blotti le vaste lac de la Plagne. Un peu plus loin, un drapeau de la Savoie annonce le refuge d’Entre le Lac. Une multitude de personnes y est amassée, pas question de vivre l’expérience de la montagne dans la foule, la solitude et la quiétude ne sont plus qu’à une heure de marche ! Le chemin balisé est quitté pour basculer sur une sente bien tracée, remontant de façon franche dans le vallon à l’ouest. Sur quelques mètres, plus haut, l’itinéraire est déchiqueté par un couloir mis à nu et rocailleux, formé par des crues torrentielles. Une cicatrice marquée dans le paysage. Sur les coups des 19 heures, après une longue mais régulière ascension, la partie inférieure des lacs est atteinte. Elle est tapissée de zones humides et de tourbières, ainsi qu’un lac au pied du versant. L’arrivée coïncide avec la révérence du Soleil derrière la crête du Dôme des Pichères, dépassant les 3000 m.
Le lieu de bivouac, protégé de la petite bise descendant du Col de l’Aliet, est trouvé sur l’un des nombreux replats. Un bref repérage est effectué, quelques gouilles d’eau satisferont la quête du jour. Comme pressenti, les couleurs du crépuscule sont ternes et fades, inutile d’insister, mieux vaut se reposer pour la nuit chargée qui s’annonce.
Peu après minuit, le maigre croissant de Lune s’en est allé derrière l’horizon, laissant place à un ciel parfaitement sombre, ponctué d’astres scintillants. Je suis venu pour elle, la voici qui s’élance dans la pénombre : la Voie Lactée. Pendant une bonne partie de la nuit, je tâche de l’immortaliser : panorama, reflet sur l’eau, timelapse et pose (très) longue, un sommeil haché jusqu’à 4h du matin.
Les premières lueurs de l’aube m’éveillent. Le ciel d’un bleu uniforme et les lumières insipides ont raison de moi, la sieste est prolongée. Depuis quelques heures, après une accalmie, le vent s’est de nouveau levé, trahissant la sensation de chaleur avec l’arrivée du soleil. Quelques victuailles englouties pour reprendre de l’énergie, il est ensuite temps d’entamer le retour. Il aura fallu 3 heures pour retrouver la voiture, point final d’une belle sortie en terres de Vanoise, sous un envoûtant ciel nocturne.