Bivouac à la Pointe de Chaurionde dans le massif des Bauges.
Le choix de la sortie
L’automne se sera fait attendre ! Après quelques semaines de prolongation de l’été indien, caractérisé par un temps anticyclonique doux, la situation se débloque avec l’arrivée de fronts pluvieux qu’il va falloir bien négocier. Les fortes chaleurs conjuguées à la sécheresse estivale n’offrent pas les conditions optimales pour les couleurs automnales. Néanmoins, les précipitations de la semaine marquent un tournant : les plus hautes cimes se coiffent de blanc, les versants de feuillus virent aux tons dorés.
Ce week-end semble constituer le créneau à ne pas rater, une météo maussade est annoncée jusqu’à la fin du mois. Direction le désormais tout proche massif des Bauges, dans l’espoir de capter des ambiances brumeuses, typiques de cette saison. Au point de départ, à l’abbaye de Tamié (890 m), le temps ne s’avère pas très engageant : il pleuvine et les sommets sont encombrés. Toutefois, la promesse d’éclaircies donne du baume au cœur. Et il en faut, l’objectif est la pointe de la Chaurionde (2173 m), soit près de 1300 mètres de dénivelé, lesté de mes 17 kg sur le dos. La première partie emprunte un sentier serpentant dans la Combe Noire. La canopée me protège des averses, allant en faiblissant, tandis que le chemin suinte d’eau, la montagne a été abondamment abreuvée ces dernières heures.
Le chant de l’automne en montagne
A la limite supérieure du boisement, l’alpage du Drison et son chalet éponyme se dévoilent, tout comme la rocailleuse Sambuy à droite. A sa base, la végétation chante l’automne avec ses nuances de jaune, traversée par quelques cascades bien nourries. En revanche, Chaurionde est toujours masquée par la nébulosité. L’arrivée au col (1756 m) marque la dernière ligne droite du parcours, mais pas la plus agréable. La crête, exposée aux quatre vents, est une petite soufflerie, distillant un froid humide jusqu’au cœur de la chair. L’inclinaison du sentier va par ailleurs crescendo, à cela s’ajoute la difficulté apportée par la boue, rendant chaque pas glissant.
Finalement, après presque quatre heures de montée, la Chaurionde est vaincue. Le panorama est chahuté par un brouillard virevoltant, tantôt complètement opaque, tantôt laissant entrevoir le paysage. La cime dispose d’un replat assez large, bienvenu pour un bivouac. L’installation d’un abri est la première chose effectuée, sur une zone dépourvue de végétation, relativement boueuse, mais qu’importe, l’inconfort est le prix à payer pour être aux premières loges.
Il est dix-huit heures passés, le jour va en déclinant mais mes espoirs restent maigres tant les cieux sont agités. Soudain, une improbable lumière surgit par-delà l’Arcalod, venant éclairer durant quelques minutes le secteur avec des rayons d’une grande pureté. Au moment de l’ultime respiration du jour, me voilà privé des tons roses sur le Mont Blanc, la brume jouant les trouble-fête. Le paysage se dévoile une fois le début de la nuit installée, permettant quelques captations du lac d’Annecy, ceinturé par les lumières des villes, puis tout se rebouche. Il est temps d’aller dormir, dans cette tente quelque peu bousculée par les assauts des rafales. Fort heureusement, étant en retrait du versant exposé, je suis partiellement protégé.
Spectacle de brume au réveil
Au cours de mon sommeil en pointillé, vers deux heures du matin, la toile crépite, une averse. Un œil dehors, l’obscurité totale, Chaurionde est prise dans le brouillard, me laissant en plein doute pour mes aspirations matinales. Vers 7 heures, vient le moment du verdict. Premier étonnement, de la neige et du givre mêlés ont saupoudré les environs ! Côté météo, le sommet est toujours aux prises avec la brume, inondant les lieux de son agaçante opacité. Difficile de composer avec cet aléa, les instants de clarté sont brefs, mais laissent entrevoir un champ de bataille, où les massifs combattent l’offensive des frimas.
Progressivement, la clarté gagne la partie, le soleil se lève, dévoilant certains détails jusqu’ici restés dans l’ombre. La Sambuy cristallisée triomphe au premier plan, le Mont Blanc imperturbable veille au loin, tandis que le Charvin se fait happer par les nuages d’une façon tyrannique, le théâtre d’un conflit incroyable ! Après m’être longuement imprégné de cette ambiance, je replie le matériel et entame la descente vers 10h30. Il m’aura fallu un peu plus de deux heures pour retrouver la voiture, le corps vidé, mais l’âme remplie de scènes mémorables.
Lien vers la galerie complète : https://www.figedansletemps.com/galleries/pointe-de-chaurionde-2173-m/