L’acte II de mon périple automnal m’emmène cette fois un peu plus en amont de la vallée de la Maurienne, du côté de la Vanoise. Direction le parking de Bellecombe (2304 m), au terme d’une longue ascension en voiture depuis Termignon. Je me restaure dans ce bain de soleil, quoiqu’un peu frais (9°C). Mon objectif du jour est le secteur des lacs de Lanserlia, moyennant 500 mètres de dénivelé environ. La fatigue de la descente du matin se fait sentir dans les jambes, la progression s’effectue à petit rythme, ponctuée de plusieurs arrêts pour contempler les glaciers qui me font face (et reprendre mon souffle). En un peu moins de 2 heures, le col est atteint (2780 m). Le reste n’est qu’une formalité, l’un des trois lacs que je convoite se situant juste en contrebas. Le paysage est somptueux, les versants sont saupoudrés de neige, tandis que le lac vit ses derniers jours avant la longue hibernation, sous l’épaisseur de glace qui ne devrait pas tarder à se former.
Je reste un long moment près du plan d’eau à lézarder, perdu dans mes pensées, dans un silence religieux. En cette période, les touristes ont déserté et rares sont les randonneurs à venir ici, tout cela n’en est que plus agréable. L’ombre gagnant le lac, je grimpe sur un promontoire pour profiter des chaleureux rayons de soleil. Contrairement à la veille, il n’y a pas la moindre once de vent, le ciel bleu se pare quant à lui de quelques cirrus débonnaires, annonciateurs de conditions anticycloniques.
Vers 18h30, le jour commence à lentement tirer sa révérence. Je me positionne au bord du lac, devant l’imposant Grand Roc Noir qui, pour le coup, ne porte bien son nom qu’à moitié, maculé de blanc pour plusieurs mois. C’est son reflet que je suis venu chercher ici. Au fur et à mesure que le soleil approche de l’horizon, les sommets se transforment en cendres incandescentes jusqu’à l’extinction des feux. Mais le spectacle n’en est pas fini pour autant. Alors que je rassemble petit à petit mes affaires, je garde un œil sur le secteur : au nord-est, la base du ciel se pare de mille et une couleurs chaudes, tandis qu’à l’ouest des nuages élevés prennent des tonalités vermeilles. Les lieux s’imprègnent alors d’une teinte surréaliste, dans les tons roses à violacés. C’est le début de l’heure bleue. Diantre, quelle atmosphère ! Les contrastes explosent, le Grand Roc Noir et son versant pourraient presque être palpables tant le relief est marqué. La neige fraîche tranche avec les falaises sombres, la montagne claire se détache d’un ciel devenu bleu saphir, tandis que les cimes se parent d’une étrange couleur mauve. La nature a donné là une séquence particulièrement surprenante, avant d’entrer en sommeil pour de longues heures, tout comme moi, qui ne vais pas sortir de mon abri, bien au chaud dans mon duvet.
Le lendemain matin, aux premières lueurs de l’aube, je scrute les environs. L’endroit n’est pas adapté pour immortaliser le lever de soleil, dans cette cuvette à contre-jour. Il aurait fallu grimper à la Pointe de Lanserlia pour admirer la Grande Casse s’illuminer. Trop tard, et pas le courage d’y aller, je retourne au parking de Bellecombe, le sentiment d’avoir vécu la veille un moment privilégié face à ce géant de la Vanoise.