L’automne est enfin là ! Formidable saison que j’attends chaque année, me voilà prêt à m’enivrer de ses parfums et de ses ambiances exquises. Ce week-end est toutefois relativement capricieux sur le plan de la météo, une perturbation étant de passage sur Rhône-Alpes. Les prévisions laissent néanmoins entrapercevoir une légère accalmie à partir de samedi soir. C’est suffisant pour me convaincre d’aller en montagne, les conditions semblant être réunies pour avoir des brumes.
Il faut pourtant avoir une sacré dose de foi au Col du Cucheron, point de départ de la rando : le plafond est bas, il pleut et impossible de voir l’objectif du jour, le Grand Som, tant le brouillard paraît épais là-haut. Le modèle est formel, la pluie devrait cesser vers 16h/17h, de quoi me laisser le temps de progresser en sous-bois, protégé par la canopée, pendant que les cieux s’apaisent.
Réglé comme du papier à musique, lorsque j’arrive au Col des Aures (1639 m), plus une goutte ne tombe. Une trouée me permet même de voir le sentier qui s’enfile dans l’imposante falaise qui me fait face : c’est le délicat passage du Racapé, où il va falloir redoubler de prudence. Pour preuve, un panneau glaçant tout en bas prévient le quidam que cinq personnes y ont laissé la vie ces dix dernières années. Le sol détrempé et les 20 kg sur le dos vont donner un peu de challenge au pèlerin que je suis. Finalement le court tronçon est plutôt bien négocié, ce qui m’amène à la dernière étape, la longue montée de l’alpage. La vallée s’est temporairement dégagée, dévoilant la myriade de couleurs dans les versants chartrousins. L’automne bat son plein. Le sentier terreux est des plus glissants, m’obligeant à opter pour l’herbe. Pour l’ultime ascension, les conditions se dégradent de nouveau, la bise souffle et la brume investit les lieux. Arrivé au sommet, je ne perds pas de temps et pars à la recherche d’un replat peu exposé pour y planter la tente. L’abri est le bienvenu tant le Grand Som a revêtu ses hostiles parures, les visibilités n’excèdent pas 30 mètres. La luminosité décline peu à peu, enterrant toute espérance de coucher de soleil. Faute de mieux, c’est le moment d’aller manger un bout et dormir.
Toutes les deux heures, je jette un coup d’œil dehors pour vérifier l’état du temps. 23h : Brouillard. 1h : Brouillard. 3h : Brouillard…5h30 : Plus de brouillard ! J’enfile tous mes vêtements et m’extirpe de ma tente. L’atmosphère est très chargée, c’est une bicouche qui occupe le secteur : des nuages bas en fond de vallée et un second plafond très haut en altitude. Avec la pollution lumineuse de Grenoble et des villages de Chartreuse, la scène capturée par l’appareil photo est tout bonnement surréaliste avec ses airs magmatiques et déchaînés. En fin de nuit, à l’ouest, la pleine Lune flirtant avec l’horizon se pare de tons orange à rouge sanguin, avant de disparaître.
La quiétude nocturne est trahie par une rave-party qui s’est mise en place quelque part en bas. Le tam-tam incessant des basses résonnent sur chacun des sommets. C’est la seconde fois que je subis ces désagréments dans ce massif, visiblement l’irrespect a ses passe-droits par ici. Le plus ironique est sans doute d’être juste au-dessus de la zone de silence attenante au Monastère de la Grande Chartreuse…
Peu à peu le jour se lève, mais tout espoir de couleurs matinales est annihilé : l’est est complètement encombré. La bruine s’invite et le vent redouble d’intensité. Les écharpes nuageuses défilent à toute allure, enveloppant de temps à autre le Grand Som, puis continuant leur chemin en direction du nord. La lumière peine à se frayer un chemin dans ce dédale nébuleux, seul un encart plus lumineux se fait deviner loin en direction du Mont Blanc.
Passés ces errements matinaux, je fais mon paquetage pour la descente. La tente, détrempée, pèse un âne mort. Le simulacre de musique retentit toujours et m’accompagnera jusqu’au retour au Col du Cucheron. Une virée placée sous le signe de l’humidité, mais quelques belles images ont pu être ramenées de là-haut sur la courte fenêtre météo !