Après une interminable séquence de canicule, enfin un changement de temps qui s’opère ce week-end ! Malgré une semaine éprouvante, j’opte tout de même pour un bivouac tranquille, pour ménager ma monture. Direction le tout proche massif de Belledonne, dans son extrémité septentrionale, avec pour objectif le secteur de la Pointe de la Frèche et du Col d’Arpingon.
Hélas, trois fois hélas, un glissement de terrain courant janvier 2022 a emporté un bout de la route menant au parking, la rendant impraticable. Celle-ci est alors fermée vers le lieudit de la Vibillarde, vers 1250 m d’altitude, soit 500 mètres en contrebas du terminus de Valpelouse ! C’est autant de dénivelé qu’il va falloir rajouter à la course, reléguant à l’état de vœu pieux la « petite balade » envisagée initialement. Pas question de faire marche arrière, un chemin forestier permet de couper une longue épingle, jusqu’à rejoindre la chaussée à 1530 m. Avec la chaleur, la portion sur le bitume est un léger calvaire, l’organisme cuisant à petit feu. Heureusement, au virage suivant, l’analyse de la carte IGN indique un raccourci en sous-bois, menant au Refuge de la Perrière. Grande escroquerie que voilà, le chemin se transforme en sentier, puis s’apparente finalement à un passage de chevreuil. Autant dire une progression à l’aveuglette. Qu’importe, mon sens de l’orientation n’est pas remis en cause et je trace en diagonale, jusqu’à rejoindre une clôture à vache au niveau de l’alpage. Le long de celle-ci, les bovins semblent avoir créé un simili-sentier, lequel me conduit finalement au Refuge !
De là, se dessine à droite des Grands Moulins l’objectif du jour, à 2 km à vol d’oiseau. Je poursuis alors la sente à flanc de versant, pour atteindre les abords du Col de la Frèche, puis contourner la pointe éponyme. L’amoncellement de rocailles et de blocs m’empêche d’espérer bivouaquer ici. En dépit d’une fatigue dans les jambes, pas d’autre choix que de descendre puis remonter cette dernière combe menant au Col d’Arpingon (2276 m). La zone bénéficie de vastes replats favorables pour la nuit. Néanmoins le secteur ne me satisfait guère sur le plan photographique : pas de vue sur le Mont Blanc, peu de cadrages dominants ni points forts dans le paysage. Il va falloir user de plans serrés au téléobjectif pour immortaliser les lieux.
L’audace d’être monté une veille d’orage s’avère payant au crépuscule. Comme prévu, les couleurs sur Belledonne sont tamisées par la nébulosité à l’horizon, mais celle-ci offrent d’intenses rougeoiements qui se diffusent dans l’atmosphère. Plus bas, la Combe de Savoie et le bassin chambérien, plongés dans une obscurité grandissante, s’illuminent progressivement. Il est temps pour moi de rejoindre le duvet, c’est nuit à la belle étoile, m’étant allégé du poids de la tente pour l’occasion. Les modèles météo annoncent une dégradation vers 8-9h le lendemain, me garantissant un sommeil au sec.
Peu après 6 heures, les premières lueurs de l’aube me réveillent. Ce que j’espérais secrètement est en passe de se réaliser : des nuages élevés commencent à rosir à l’est. Ni une ni deux, je m’habille et vais me positionner sur la crête. Un véritable brasier se répand dans les cieux, transformant l’horizon oriental en un épanchement magmatique, aussi éphémère que magnétique.
Le spectacle matinal passé, il ne faut pas trainer sur les hauteurs, les radars indiquent que les précipitations sont déjà aux portes de l’Isère. Je remballe et active le pas sur le chemin du retour. A l’ouest, la vue s’obscurcit, la Chartreuse est déjà enveloppée par les brumes. Quelques minutes plus tard, des rideaux de pluie s’abattent sur la Combe de Savoie. J’enfile la housse sur le sac, ainsi que mon rutilant poncho lorsque les premières gouttes commencent à tomber, entre le Refuge de la Perrière et Valpelouse, à mi-chemin du parcours.
C’est sous une pluie battante et continue que je regagne le parking en contrebas, au terme d’une sortie plus conséquente que prévue, mais avec des ambiances fugaces et magnifiques à la clé !