C’est presque devenu une tradition, celle de faire une session bivouac en Haute-Savoie le 14 juillet. Après un court épisode caniculaire, l’extrême chaleur s’en est allée pour laisser place à une séquence estivale plus normale en cette fin de semaine. C’est l’occasion d’aller explorer des massifs plus lointains pour changer des paysages habituels. Direction alors les confins du Chablais, afin de tutoyer la frontière franco-suisse, l’objectif est la Tête de Bostan (2406 m). Le hasard du calendrier fait que le Tour de France est dans le secteur de Morzine, pas question d’aller se mêler à la foule et de se heurter aux routes interdites à la circulation. C’est donc au-dessus de Samoëns que le départ s’effectue, rajoutant 200 mètres à l’itinéraire classique. Me voilà parti pour une bavante de 1300 mètres de dénivelé et un long trajet pédestre pour satisfaire la quête du jour.
Le parking du départ de la rando (1096 m), dans une clairière de sapins au bout de la route, est déjà fort rempli de voitures en ce début d’après-midi. Il faut fortement incliner la tête en direction du bleu azur du ciel pour entrapercevoir les crêtes sommitales de la destination. Mieux vaut ne pas y penser, et attaquer le sentier, il est 15 heures. Ce dernier emprunte une piste en sous-bois, agréable, puis émerge de la forêt pour atteindre les alpages. Le soleil de juillet se fait rapidement sentir sur l’organisme, qui halète. Vers 17 heures, le Refuge de Bostan (1763 m) est atteint, seule la moitié de l’ascension a été effectuée, mais une légère brise bienvenue estompe la chaleur assommante. Au fond, se dévoile le Col de Bostan qui, une fois rejoint, annoncera l’imminence de la fin du périple. Bien que d’apparence proche, le sentier qui se noie dans le paysage pour y emmener le pèlerin souligne l’effort à fournir pour y parvenir. Le vallon est jonché d’un grand écroulement aux Verdets, un dédale rocheux où le tracé se faufile, avant de sillonner une pente raide jusqu’à enfin aboutir au Col de Bostan (2290 m), marquant la frontière avec la Suisse. Le vent, jusqu’alors bon camarade, devient rapidement un ennemi encombrant qu’on souhaite voir partir, tant son intensité a décuplé. A l’ouest, l’objectif n’est plus qu’à quelques foulées, qui est finalement gagné peu avant 20 heures. Il aura donc fallu 5 heures pour engloutir ce parcours. La Tête de Bostan est un dôme herbeux avec une vue à 360 degrés sur la Suisse et le secteur de Martigny, et la France entre vallée de l’Arve, Aravis et reliefs du Fer à Cheval. Le Mont Blanc émerge à peine de ce dernier, avec son manteau opalin sommital.
Toutefois, la cime foulée ce jour est plongée dans une immense soufflerie, les rafales se succèdent sans laisser le moindre répit. Le drone, parti explorer les airs, éprouve de grandes difficultés à se mouvoir et se stabiliser, lançant d’innombrables alertes au pilote que je suis. Le jour décline peu à peu, les falaises alentours se parent de teintes mordorées, éphémères, jusqu’à perdre de leur éclat une fois le soleil passé derrière l’horizon. Il n’est pas question de dormir dans cette machine à laver géante. Je trouve un simili replat abrité, sous le vent, côté Suisse, quelques mètres sous la crête. La pente générale tire vers le vide, mais pas de quoi m’inquiéter. Entre chien et loup, un bouquetin fait preuve d’une improbable curiosité en venant s’approcher plusieurs minutes, puis de repartir dans le chaos de blocs.
La nuit a investi les lieux, je la ponctue de quelques sessions photographiques venant hacher le sommeil. Les bourrasques n’ont pas baissé d’un iota, mais la Voie Lactée apparaît particulièrement visible dans ce ciel dépourvu de Lune.
Au petit matin, vers 5 heures, les premières lueurs de l’aube dessinent les silhouettes des montagnes qui se succèdent dans le paysage, baignant dans des teintes douces et pastel. Le ciel est tristement dépourvu de nuages, ce qui m’oblige à faire quelques cadrages serrés au téléobjectif pour immortaliser la scène. Mont Blanc incandescent et Pointe Percée sous la Ceinture de Vénus sont deux vues de choix que je retiens. Une fois les belles teintes matinales passées, il est temps de repartir, en finissant la boucle par les crêtes du nord, toujours accompagné d’un vent à décorner le diable. A bon rythme et les cuisses surchauffées, les 1300 mètres de descente sont avalés en 2h20. Une virée physique et mouvementée, voilà ce que l’on retiendra de cet épisode chablaisien !