Voilà 1 mois que je n’ai pas remis les pieds en altitude, depuis l’ascension de la Tournette. Il était temps de mettre fin à cette série. C’est non loin de ma dernière virée que l’objectif a été fixé : ni plus ni moins que le Charvin (2409 m), sommet emblématique de la partie méridionale des Aravis. Ce jeudi/vendredi est le seul créneau de beau temps avant l’arrivée de la perturbation pour le week-end.
Direction le parking des Chandoches (1385 m), terminus de la route goudronnée. C’est sous un ciel très ensoleillé que démarre la balade, d’abord dans la forêt. La météo est typiquement automnale : un soleil piquant, un quasi-froid à l’ombre et un fond de l’air bien frais. Des conditions cependant optimales pour s’attaquer à cette muraille qui s’élève face au promeneur. Un peu plus de 1000 m de dénivelé est nécessaire pour s’en affranchir. C’est tout d’abord une mise en jambes jusqu’à l’Aulp de Marlens (1660 m) puis, une fois l’alpage traversé, les choses sérieuses commencent. Les courbes de niveau se resserrent, le sentier se raidit, l’organisme en prend un coup, surtout avec les 20 kg sur le dos. Mais d’un pas régulier l’ascension s’effectue, jusqu’à atteindre la crête sommitale où enfin le panorama se dévoile : la chaîne des Aravis, le lac du Mont Charvin et l’inévitable Mont Blanc.
La croix sommitale en vue, la dernière centaine de mètres est avalée rapidement. De là-haut la vue à 360 degrés est grandiose : glaciers de la Vanoise et ceux des Ecrins en toile de fond, le Mont Aiguille qui se détache à l’horizon, les toutes proches Bauges et la Tournette dont les chaotiques blocs font face.
La fin d’après-midi voit défiler le long du flanc occidental des Aravis une série de brumes fugaces, animées par un vent modéré, suffisamment fort pour ressentir le froid malgré le soleil. Ce dernier décline lentement à l’horizon, distillant sur les hauteurs une lumière de plus en plus dorée. Au loin, l’astre se transforme le temps d’un instant en une boule rouge incandescente, flirtant avec le lointain relief, synonyme de révérence et de passation au monde nocturne. En bas, les villes commencent à scintiller, que ce soit Ugine, Manigod ou encore Megève. L’heure bleue imprègne les lieux, les contrastes explosent, le massif du Mont Blanc est auréolé de la ceinture de Vénus, dichromie éphémère d’un rose / bleu profond.
Les visibilités s’amenuisent au fur et à mesure que la nuit progresse, il est temps de rejoindre la tente. Celle-ci est animée des heures durant par les petites rafales de vent, la toile crissant constamment. Difficile d’avoir un sommeil réparateur dans ces conditions. Le bruit est pour le coup bien plus incommodant que le froid.
Il est 6h30 quand retentit le réveil. Les lueurs de l’aube décorent un ciel parsemé de quelques nuages élevés qui jouent les premiers rôles au moment où le soleil, pas encore levé ici, les éclaire par en-dessous. Les Alpes sont alors baignées dans des teintes chaudes, flavescentes et cuivrées. Quelques minutes plus tard, notre étoile émerge des cimes, distillant des rayons bienvenus, quoi que pas suffisants pour se réchauffer.
Les cieux deviennent rapidement laiteux, annonciateurs de la perturbation prévue le lendemain. Il est l’heure de quitter le Charvin. La descente met les quadriceps et les genoux à rude épreuve et finalement, en 1h50, le parking est retrouvé, épilogue d’une sympathique balade en terres des Aravis.