16-17 octobre 2020
Octobre…ce mois a une résonance toute symbolique dans mon cycle annuel. Période charnière entre la nature multicolore et la monochromie hivernale. Comme chaque année, j’effectue ma pérégrination sur les sentiers alpins. 2020 aura été particulière sur bien des aspects. Au niveau météorologique, c’est l’offensive précoce de l’hiver qui a fait parler d’elle, en blanchissant les montagnes jusqu’à faible altitude. En cette mi-octobre, l’automne peine à se manifester à plus de 2000 m, la neige semblant s’être installée pour de longs mois, selon les secteurs. Mon premier rendez-vous automnal avec les Alpes se situe dans le massif des Cerces, peu après le col du Lautaret. L’objectif est de planter la tente à proximité du Col de la Ponsonnière. C’est plutôt confiant que je pars de Grenoble à midi : si en Isère la grisaille, présente depuis de nombreux jours, est tenace, les prévisions de Météo France sont plutôt optimistes pour les Hautes-Alpes, de larges éclaircies étant annoncées. Pour autant, plus je roule, moins le ciel est dégagé. C’est sous un plafond haut blanchâtre que j’attaque la rando depuis le Pont de l’Alpe (1709 m), il est 14h30. Je progresse rapidement sur le sentier. En contournant les arêtes de la Bruyère, une vague de brume déferle lentement et enlace le sommet emblématique. Arrivé près de la cabane du berger (2450 m), le brouillard est épais et quelques petits flocons s’invitent à la fête. On est loin des belles éclaircies prévues. Je poursuis en direction du Col de la Ponsonnière et rapidement j’émerge de la purée de pois. Au loin, au niveau du col, j’observe une cascade de nuages qui vient mourir dans le vallon du Grand Lac. Ayant déjà été piégé au même endroit il y a quelques années, je change mes plans pour ne pas refaire la même erreur : je quitte le sentier pour me rendre à l’écart, au-dessus du col. Vers 2750 m d’altitude, je pose ma tente sur le fin manteau neigeux. La vue est magnifique sur les Écrins, le tout enrobé dans une ambiance hivernale assez puissante. J’erre un petit moment dans la zone et commence à rager, de voir qu’au-delà de Briançon, le soleil règne, tandis qu’ici, les nuages accrochent le relief vers 3500 m. Mais, fait inattendu, le ciel commence à s’embraser derrière les sommets qui me font face. Je ne me prive pas d’immortaliser cette belle scène : montagnes enneigées, cascade de brume, lac gelé en contrebas et atmosphère rougeoyante pour sublimer le tout. Ce cadeau de dame nature fut aussi beau qu’éphémère. Je rejoins ma tente vers 19h30, les jours ont sérieusement diminué depuis quelques semaines. La nuit s’annonce froide, heureusement, il n’y a pas de vent. Afin d’occuper ma soirée, je lance un film tout à fait approprié aux circonstances : Into the wild. Immersion garantie ! Lorsque celui-ci se termine, un coup d’œil dehors : il fait toujours couvert. Emmitouflé, je m’endors rapidement. Réveillé par la fraîcheur vers 00h30, je scrute de nouveau le ciel, la myriade d’étoiles m’indique que tout s’est dégagé. Je fais l’effort de m’extirper de mon chaleureux duvet pour aller capter quelques images nocturnes, pendant près d’une heure.
La fin de nuit est particulièrement froide, elle me tire de mon sommeil de temps à autre. A cette altitude, sans nuages, la température doit avoisiner les -10°C.
La sonnerie du réveil à 7h15 est difficile, mais la beauté des paysages dehors agit comme un carburant. C’est l’heure bleue. Le contraste des montagnes enneigées est magnifique, celles-ci se coiffent d’une éphémère robe rosée dans le ciel, avant que le soleil ne vienne réchauffer les lieux. L’atmosphère est pure, limpide, la scène est grandiose dans ce silence apaisant.
Je quitte mon spot de bivouac vers 9h30, pour retrouver la voiture à midi, avec des températures redevenues clémentes.
Une rando de 1050 m de dénivelé, assez sensationnelle pour ses ambiances hivernales, qui aura réservé bien des surprises !…