Troisième épisode de ma quête automnale. Toujours dans une optique de proximité et de massifs forestiers actuellement incandescents, j’opte pour une ascension des plus classiques qui soient dans le secteur : la Dent de Crolles (2062 m). Les conditions instables représentent une belle opportunité pour les ambiances brumeuses. Les jambes pourtant lourdes, j’entame les premières foulées depuis le Col du Coq peu après 15 heures. Les versants sont léchés par un brouillard qui remonte jusqu’au sommet convoité. Le soleil peine à percer, rendant les températures fraiches, idéales pour cet effort.
La montée est rythmée par ce va-et-vient incessant de la nébulosité, limitant tantôt les visibilités à peau de chagrin, tantôt dévoilant la vallée et les cimes chartrousines. Après environ deux heures de grimpette, la croix est atteinte. La vue vertigineuse sur le Grésivaudan fait toujours son effet, Belledonne est emprisonné dans les cumulus tandis que la face sud de la Dent de Crolles voit ses falaises calcaires caressées par la brume ascendante. Le sommet étant bien trop caillouteux, je me dirige à environ 200 mètres à l’ouest pour profiter d’un replat herbeux surplombant le sentier. Approchant de l’horizon, le soleil distille ses rayons de tons orangés qui viennent magnifier les montagnes alentours. Je me délecte de ces ambiances, notamment par la captation d’images par les airs, avant que l’étoile ne disparaisse pour laisser la place à la nuit.
La tente, déjà humidifiée, est annonciatrice de quelques réjouissances nocturnes. A peine ai-je le temps de me restaurer et m’installer que la cuvette grenobloise se coiffe d’une mer de nuage naissante. La Lune, brillante à 90%, a quant à elle émergé par-delà Belledonne, de quoi apporter un éclairage complémentaire pour compenser le fort contraste lié à la pollution lumineuse. L’équilibre, parfait, m’apporte toutes les conditions nécessaires à la prise de vue. J’immortalise jusqu’à la fin de soirée ce spectacle mouvant, notamment ces écharpes qui viennent épouser les crêtes du Saint-Eynard ou encore les trouées urbaines apparaissant de façon éphémère à travers les nuages. Ce genre de scène, surréaliste, ne cesse de m’émerveiller, par sa puissance d’une grande sérénité.
Quand retentit le réveil à 7 heures, la mer de nuages est partiellement disloquée en vallée, probablement à cause de la petite perturbation en approche. Mais qui dit perturbation, dit front nuageux. Les cieux sont occupés par de vastes voiles élevés qui déjà ont des reflets vermillon. En contrebas, un chamois broute paisiblement, en me lançant toutefois quelques regards vigilants. Soudain, les lieux se parent d’une teinte rougeâtre surprenante. Les cirrostratus deviennent le théâtre d’un foyer ardent. L’espace de quelques minutes, l’atmosphère s’embellit de couleurs d’un rouge flamboyant, sur 180 degrés du Mont Blanc au Vercors. Quelle intensité ! Cette éphémère féérie achevée, le soleil peine à livrer quelques rayons au-dessus des cimes de Belledonne, avant de disparaitre derrière le voile opaque. L’uniformité du ciel laisse peu d’espoir pour la suite ; toutefois, Dame Nature a été plus que généreuse dans les conditions offertes depuis la veille au soir.
Il est alors temps de plier, avec la satisfaction d’avoir fait carton plein sur les trois sorties consécutives. Ce mois d’octobre tient définitivement toutes ses promesses !