On poursuit la traditionnelle quête automnale de la mi-octobre ! Les couleurs ont déjà semble-t-il perdu de leur éclat dans les forêts préalpines, cependant bien exploitées la semaine précédente. C’est l’occasion d’aller explorer les hautes altitudes. Seuls trois jours sont annoncés beaux, de mardi à jeudi. Pour rentabiliser comme il se doit la fenêtre météo, un trek sous la forme d’une boucle paraît opportun.
Seulement une heure avant de prendre la voiture, le choix est enfin fait : ce sera la Haute-Tarentaise avec un crochet en Italie, autour des Dents Rouges (2925 m), pour un circuit peu couru sur un secteur que je ne connais pas. L’idée est de passer 2 nuits là-bas, la première vers les Lacs de Tachuy et la seconde au niveau du Lac du Retour.
C’est sous un beau soleil que l’ascension démarre. Les premières foulées m’amènent rapidement au niveau du Refuge du Ruitor, qui s’inscrit au sein d’une large vallée plane, probablement un ancien lac glaciaire comblé. Sur celle-ci reposent quelques bâtisses en pierre d’un charme singulier, au pied des imposantes murailles dominées par la Becca du Lac, le Bec de l’Âne ou encore la pointe de l’Invernet, tous dépassant les 3000 mètres. L’échauffement effectué sur ce replat laisse place à la remontée de la vallée du Petit, du nom du torrent qui la parcourt. Le sentier débouche sur le lac éponyme, loti à 2400 m et offrant un panorama époustouflant sur les montagnes alentours, déjà coiffées de leur manteau blanc à mi-relief.
Si jusqu’à présent la montée était relativement douce, la dernière partie est une autre paire de manche : un peu plus de 200 mètres de dénivelé quasi droit dans la pente, dans la rocaille. Quelques regards sont lancés derrière, tant le paysage a ce quelque chose de magnétique. L’arrivée au Col de Tachuy (2673 m), au-delà du fait qu’elle marque la frontière entre la France et l’Italie, est synonyme de rencontre avec la neige, subsistant depuis les dernières chutes de septembre. Un autre panorama se dévoile alors, et pas des moindres : la chaine du Mont Blanc. En contrebas, au fond de la vallée, un village, celui de la Thuile. Plus proches, les quelques lacs de Tachuy, objectif du jour. La descente de ce côté est assez périlleuse. Ce versant nord, ombragé, est assez enneigé, obstruant les trous entre les rochers, qu’un pas malheureux viendrait percer sans difficulté. J’avance alors avec prudence, privilégiant les blocs qui émergent. Tant bien que mal, ce passage délicat est négocié. Je n’ai plus qu’à choisir le lac avec le meilleur potentiel. La plupart étant encaissé, c’est finalement un de ceux les plus à l’est que je retiens. Il offre une ouverture de choix sur le toit de l’Europe. Un replat herbeux est trouvé pour y installer la tente.
Un petit vent vient trahir la sensation de chaleur, inhabituelle en cette saison. Mais une fois le Soleil passé derrière les cimes, la fraîcheur est palpable. Elle n’empêche cependant pas d’assister à la consumation du jour, dont les dernières étincelles illuminent le Mont Blanc, dans une ambiance anticyclonique monotone.
Les bivouacs d’automne ont l’avantage de proposer de longues nuits. A seulement 21 heures, l’obscurité est complète, de quoi m’occuper avec quelques poses astrales, notamment sur la Voie Lactée relativement visible pour cette saison. Fort heureusement, le vent s’estompe au milieu de la nuit, permettant de profiter d’un sommeil au calme, jusqu’aux premières lueurs de l’aube.
Je me positionne alors au bout du lac pour capter le reflet de la chaine du Mont Blanc, sous un ciel désespérément bleu et uniforme. Les couleurs vermeils sur les montagnes n’en demeurent pas moins magnifiques. Après cet épisode matinal, je retourne me reposer, le temps que le Soleil émerge enfin. Il faut attendre 10h15 pour que les rayons réchauffent la tente et l’individu qui s’y trouve. Tel un lézard, je sors de mon abri pour ranger le matériel et faire le sac. Au loin, la seconde étape se profile…