19-20 octobre 2020
On poursuit les escapades automnales, cette fois-ci de façon locale, dans le massif de la Chartreuse. Cela fait un petit moment que le secteur grenoblois est pris dans la grisaille, la faute à une mer de nuages tenace. Celle-ci s’est dissipée ce lundi, l’occasion est à saisir, d’autant plus qu’une perturbation est annoncée pour la fin de la semaine. La voiture est stationnée aux Déserts, sur la commune d’Entremont-le-Vieux. L’automne bat son plein en Chartreuse, les forêts se sont parées de tons rougeâtres, tirant parfois vers le marron, signe que les couleurs amorcent leur déclin.
L’ascension s’effectue tranquillement en sous-bois jusqu’au Col de Grapillon. Les 300 premiers mètres de dénivelé sont avalés en moins d’une heure. Ensuite, la rando devient un peu plus aérienne, puisqu’il faut gravir la falaise rocheuse du Pas du Cuert, obligeant à mettre les mains, tout en faisant preuve de vigilance. Les 20 kg sur le dos ont vite fait de déstabiliser. Après ces quelques efforts, le plateau du Mont Outheran est atteint. Je rejoins symboliquement la croix qui marque le sommet.
Les conditions météo ne sont cependant pas des plus optimales pour la photo, des voiles d’altitude ont progressivement envahi le secteur, estompant la lumière, la rendant blanchâtre et fade. De plus, le vent commence à se lever, il est annoncé un flux de sud qui va s’intensifier. Je profite du semblant de luminosité pour faire quelques prises de vue aériennes, avant de trouver un endroit pour planter la tente. Je l’installe légèrement en contrebas, sur un replat au pied de sapins, à l’abri du vent.
Comme je l’avais anticipé, les couleurs du coucher de soleil sont ternes, bien que d’éphémères rougeurs étincelantes ont illuminé Belledonne au loin. Beau à observer, mais difficile à photographier. J’en reste alors là et file dans la tente pour manger, occupant ma soirée devant un film, la nuit s’étant installée dès 19h30, après que les dernières lueurs à l’ouest ne meurent. Les seules lumières qui viennent trahir la profondeur de l’obscurité sont celles des villes, nombreuses aux alentours : Chambéry, Albertville, Grenoble et même Lyon qu’on devine au loin.
La différence de conditions avec mes deux précédents bivouacs dans les Cerces est significative : il ne fait pas froid. Je ne suis qu’à peine à 1700 mètres d’altitude et la tendance est au radoucissement ces jours.
Sous ma toile de tente, j’entends siffler de temps à autre les cimes des sapins, au gré des bourrasques de vent. Ces sifflements se transforment rapidement en complaintes, tant le phénomène gagne en intensité. Calfeutré dans mon duvet, ce bruit permanent me donne l’impression d’être à proximité d’une grande cascade ou au bord de l’océan.
A 7 heures, le réveil sonne. C’est sans grande conviction que je passe la tête dehors. Pourtant, des lueurs rougeâtres se manifestent à l’est. La présence de nuages élevés denses laisse présager des choses intéressantes au niveau du ciel. Je me positionne alors au bord de la falaise et constate que ce pressentiment se vérifie. Au-dessus du Granier, de Belledonne et du Mont Blanc, c’est un véritable brasier qui se met en place, la nébulosité devient incandescente, faisant écho aux couleurs automnales présentes dans le massif. Le paysage se pare alors de teintes chaudes et vives, l’espace de quelques minutes.
Mais le plafond en altitude est relativement opaque, si bien qu’aucun rayon de soleil n’arrive à percer au moment du lever. Petit à petit, la scène redevient terne comme la veille, le vent reprend de plus belle. Un petit écureuil passe à quelques décimètres de moi, à la fois curieux et craintif, je l’observe sans bouger, puis il repart vaquer à ses occupations.
Vu la météo, il est inutile d’attendre une quelconque amélioration, tant les conditions sont homogènes tout là-haut. Je plie tout et redescends en direction du parking. Juste avant de rejoindre le Pas du Cuert, j’observe une petite harde de chamois sur le plateau, avec les jeunes de l’année. Nos regards se croisent, puis se séparent…
Si j’étais plutôt dubitatif en venant ici, avec le temps annoncé, l’aube m’aura réservé de belles choses au niveau des couleurs et des ambiances. Octobre tu me surprendras toujours…