Pour la première fois depuis de nombreuses années, je n’ai pu honorer le solstice d’été en montagne. La faute aux orages qui ont sévi chaque soir dans les Alpes ces derniers jours.
Pour cet ultime week-end de juin, les cieux semblent avoir perdu de leur colère, l’occasion d’aller tutoyer les cimes alpines. Mes dernières sorties s’étant déroulées loin de mes bases, j’opte cette fois pour une ascension locale, en Chartreuse. C’est sans aucun doute le massif que j’ai le plus parcouru ces douze dernières années. Cependant, il reste encore quelques sommets qui n’ont pas été cochés dans la liste. Le modeste Petit Som est de ceux-là.
Je sais pertinemment que la météo prévue ne m’offrira pas des conditions photographiques intéressantes, mais l’envie de changer d’air est trop forte. Quitter temporairement cette vallée bien trop agitée et fréquentée pour moi. Me voilà donc au parking du Habert (1150 m), à la Ruchère. Deux itinéraires sont possibles pour atteindre mon objectif du jour. J’opte pour celui à l’est, par le col de Léchaud. Il est 15h30 lorsque j’entame mes premières foulées dans le versant. Une bonne partie du parcours s’effectue dans un magnifique sous-bois. Au gré d’un folk acoustique minimaliste (Beautiful Death) diffusé depuis mon portable, mes pas décidés et rapides ont comme un parfum de balade débonnaire, avec ces mélodies mélancoliques et intimistes. La symbiose parfaite de tous les sens du corps. La forêt franchie, déjà j’aperçois la croix sommitale, toute proche. Il est 17h10 quand j’atteins cette dernière, 1h40 d’ascension alors que les indications en bas annonçaient 2h30, plutôt encourageante comme performance.
Trouvant un replat à quelques mètres du sommet, je prends un bain de soleil pendant de longues minutes, dans ce calme religieux seulement trahi par les quelques randonneurs venus également ici en cette fin d’après-midi. Intrigué par l’arrivée d’un gendarme et d’un garde de l’ONF, je vais à leur rencontre pour satisfaire ma curiosité. Ils m’expliquent qu’ils font de la sensibilisation environnementale pour les personnes qui bivouaquent en montagne. Apparemment, depuis la levée des restrictions Covid, la fréquentation a explosé, avec certaines conséquences malheureuses liées à des pratiquants néophytes. Ce n’est pas moi qui vais avoir besoin de conseils !
Je profite des derniers instants de soleil pour faire quelques photos aériennes, avant de constater la confirmation de mes prévisions : à l’ouest, le ciel est encombré de nuages élevés, annihilant tout espoir de lumière dorée. Je ne boude néanmoins pas le plaisir de contempler le jour qui se meurt et la nuit qui s’éveille, tout comme les villes alentours qui commencent à scintiller.
Vers 1 heure du matin, je fais sonner le réveil pour capter l’ambiance de pleine lune, mais le ciel voilé n’est pas très favorable à l’exercice, j’abrège alors la séance. Cependant difficile de retrouver le sommeil : un « boum-boum » incessant remonte de la vallée. Un raffut pas possible digne d’une rave party qui ironiquement semble émaner de la zone de silence du désert de Chartreuse… Le respect semble être une notion à géométrie variable. Peu à peu, ce bruit est remplacé par un autre, qui cette fois est bien plus proche : la toile de ma tente. Aux alentours de 2 heures, le vent commence à se lever et mon armature tremble à chaque bourrasque. Aux premières lueurs du jour vers 5 heures, j’émerge pour aller immortaliser les nuages incandescents vers l’est, tandis que le vent se renforce de plus en plus. Et pour cause, côté sud, le ciel est bien sombre, des morceaux d’arc-en-ciel se forment côté Terres Froides et à l’intérieur de la Chartreuse. De beaux et éphémères jeux de lumière s’offrent à moi un peu partout. Les conditions deviennent cependant rapidement tempétueuses à l’approche de l’averse. Je plie bagages et entame la descente, il est 6h45. Fort heureusement, la pluie a longé le flanc occidental du massif et seules quelques gouttes se sont invitées sur le trajet du retour. A 8 heures, le parking est retrouvé, signant la fin de cette sortie plutôt correcte, mais avec un sommeil presque inexistant…