En cette dernière décade d’août, les vallées suffoquent, énième vague de chaleur estivale dans nos montagneuses contrées. Prendre de l’altitude devient un acte salutaire pour s’extraire de ce brasier météorologique. Quelques jours seulement après ma folle aventure à la Pointe d’Archeboc, j’opte pour une ascension plus modeste en termes de dénivelé : ce sera la Pointe de Combe Bénite (2575 m).
C’est en quelque sorte une séance de rattrapage, l’été dernier, j’avais dû abandonner à regret un bivouac à cet endroit, la faute à un orage menaçant. Mais ce week-end, aucune colère du ciel n’est attendue. Direction le Cormet d’Arêches, afin de démarrer le plus haut possible (2107 m). Le parking du barrage de Saint-Guérin déborde de toute part, mais la route se finissant en piste permet d’écrémer le flot de touristes.
Malgré la barre des 2000 m passés, le soleil cogne fort en ce samedi après-midi, toutefois un petit vent bienvenu atténue la sensation de chaleur. Le programme prévoit 500 mètres de dénivelé pour environ 2 heures de marche. A peine quelques lacets entamés et plusieurs clôtures à vache enjambées, le sommet se dévoile en arrière-plan : crête verdoyante dominant un abrupt chaos rocheux.
Au nord-est, un autre élément attire peu à peu l’oeil. Par-delà les plus hautes cimes du Beaufortain, une masse blanchâtre se détache des rocs et du bleu azur céleste : le Mont Blanc, qui ne disparaitra plus du paysage.
La montée s’effectue tranquillement, jusqu’au Col de Corne Noire (2413 m). A droite, le Crey du Rey, à gauche, la Pointe de Combe Bénite. Le sentier serpente jusqu’à la fin sur la crête, offrant un semblant de course aérienne. Soudain, des dizaines de choucas se manifestent dans le ciel. En contrebas, une ombre m’interroge. Un nouveau regard en hauteur : un gypaète barbu planant à quelques mètres. Sans le moindre battement d’aile, il rejoint le versant opposé dans la plus grande des prestances. Plusieurs minutes après, l’objectif est atteint. La chaleur et l’anticyclone ont raison des visibilités, un voile blanchâtre atténue le panorama. Ecrins et Chartreuse, au loin, peinent à se faire reconnaître.
Un recoin plat et herbeux s’avère idéal pour passer la nuit, la tente y est installée, tandis que le soleil décline progressivement vers l’horizon. Comme prévu, les couleurs sont fades et ternes, n’atténuant cependant pas la sensation de liberté.
A la clarté succède l’obscurité, la quasi-absence de Lune promet une nuit sombre, seulement trahie par les lumières de la Tarentaise. La Voie Lactée, s’élançant verticalement, est immortalisée comme il se doit, jusqu’à ce que les premières lueurs de l’aube prennent le relais, à partir de 6 heures. Comme la veille, c’est dans une ambiance désaturée en couleurs que le jour naissant se dévoile, laissant poindre notre étoile dans les confins de l’est.
Après une nuit au sommeil haché, une sieste bien méritée vient conclure la sortie, entre la chaleur sous la toile et la petite brise traversant l’abside…derniers instants de plénitude avant de retrouver le foyer ardent des plaines…