Les pérégrinations automnales se poursuivent. Après un week-end assez maussade mais quelques belles images ramenées de Chartreuse, ce début de semaine signe le retour du Soleil. Les forêts étant à leur pic de couleurs, j’opte de nouveau pour un massif des Préalpes, cette fois du côté des Bauges. Le Colombier ayant été fait l’année dernière à la même époque, je prends le temps de la réflexion sur le choix du sommet pour profiter des vues, tout en prenant en compte la récente interdiction de bivouac sur bon nombre de secteurs intéressants. Je jette alors mon dévolu sur un spot en limite de la RNCFS : la Dent de Pleuven (1771 m).
Le départ s’effectue au hameau des Magnoux, depuis une piste agricole qui se transforme petit à petit en sentier. La lecture de la carte topographique est sans appel : les cuisses et les mollets vont être mis à rude épreuve, tant le parcours est dré dans l’pentu. Mieux, un panneau prévient le néophyte trop entreprenant au démarrage, avec un cinglant « Terrain dangereux réservé aux randonneurs alpins expérimentés et bien équipés ». Qu’à cela ne tienne, c’est parti pour environ 800 mètres de dénivelé. Pas le temps de s’échauffer, le chemin perpendiculaire aux courbes de niveau active rapidement le cardio, jusqu’à atteindre la base des grandes falaises calcaires. Difficile à croire que le trajet passe là-dedans, pourtant à la faveur d’une combe plus ouverte, un passage se dévoile au droit d’une cascade. De toute évidence, l’endroit est certainement plus dangereux en fin de printemps avec des névés, où toute chute vous envoie 100 mètres plus bas pour un funeste destin. Mais en cette belle saison, et malgré les sols mouillés, une simple vigilance permet de franchir le lieu sans encombre. Ce dernier débouche sur le vaste alpage du Trélod. A droite, s’élance dans le ciel l’objectif du jour, au bout d’un abrupt vallon herbeux qu’il va falloir remonter. Une harde de chamois y est rencontrée, se détournant de moi à mon approche.
Après un ultime effort, la Dent de Pleuven est atteinte, avec pour récompense le panorama exceptionnel sur le cœur des Bauges, animé par des brumes ascendantes et fugaces. Comme annoncé sur les prévisions, l’ouest est chargé de nuages, offrant en fin d’après-midi de somptueux jeux de lumière sur les versants et le fond de vallée, puis de chaleureuses teintes avant que tout ne s’affadisse. J’installe mon abri de fortune avant que l’obscurité ne prenne le relai, puis reprends les activités photographiques quand la pleine Lune surgit par-delà l’Arcalod. La luminosité nocturne permet des captations surréalistes, les villages scintillants dans des paysages illuminés comme en plein jour.
Sans vent ni froid, la nuit a été des plus agréables. A 7 heures, les premières lueurs de l’aube se manifestent à l’est. Les nuages élevés sont déjà agrémentés de quelques rougeurs, qui s’étendent de plus en plus dans l’atmosphère. Les paysages de l’heure bleue en sont magnifiés, jusqu’à ce que le Mont Colombier s’embrase au lever de soleil. L’instant fut éphémère, l’horizon étant densément chargé en nébulosité. Il faut bien attendre une demi-heure avant que la lumière ne revienne, tamisée par un léger voile d’altitude qui la rend assez blanchâtre.
Il est temps de plier bagage, le chemin du retour a ce petit don d’échauffer les articulations des genoux, mais l’ivresse de l’automne est plus forte que tout. Encore de belles conditions d’octobre vécues sur cet emblématique sommet calcaire !